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Gauche) avec le Premier ministre britannique Winston Churchill (1874 – 1965) à la Maison Blanche, Washington DC, décembre 1941. (Photo par Keystone/Hulton Archive/Getty Images)
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Aujourd’hui s’ouvre la 74e Assemblée générale de l’ONU. Pour de nombreux New-Yorkais, mentionner l’Assemblée générale évoque des images d’apocalypse de la circulation à Manhattan. Malgré la circulation, les Nations unies reflètent la vision remarquable de deux grands leaders : Franklin Roosevelt et Winston Churchill.
C’était en décembre 1941. Après l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais, l’Amérique était entrée dans la Seconde Guerre mondiale et avait immédiatement subi une série de revers dans le Pacifique. La guerre en Europe et en Afrique se passait presque mal aussi. Les troupes nazies sont aux portes de Moscou et les forces britanniques subissent des pertes en Libye. Au milieu de cette morosité, Churchill arrive à la Maison Blanche. Roosevelt et lui s’entretiennent longuement de la situation militaire et de la coopération anglo-américaine. Quelques mois auparavant, les deux hommes avaient publié la Charte de l’Atlantique. Alors que l’issue de la guerre reste incertaine, ce document historique ose imaginer un avenir libre et pacifique. La charte affirme les droits à l’autonomie gouvernementale ainsi que la liberté économique et sociale pour tous. Elle jetait également les bases d’une collaboration internationale sur une variété de sujets allant du commerce à la défense.
Désormais, Churchill et Roosevelt cherchaient à formaliser leurs objectifs de guerre et à clarifier les relations entre les nombreuses nations alliées. Pourtant, ils ont eu du mal à trouver un nom approprié pour leur coalition. Le nom est venu au président dans un éclair d’inspiration. Il s’est précipité dans la chambre de Churchill et a annoncé : « Les Nations Unies ! » Roosevelt se rendit rapidement compte que son invité était complètement nu et lui demanda pardon. Churchill aurait répondu : « le premier ministre de Grande-Bretagne n’a rien à cacher au président des États-Unis ! »
Conte ou pas, les deux hommes étaient inébranlablement engagés à construire un monde meilleur sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale. Le jour de l’an 1942, Roosevelt et Churchill, ainsi que les représentants de deux douzaines d’autres pays, signent la Déclaration des Nations unies. Cette déclaration affirme que la victoire totale sur leurs ennemis fascistes est « essentielle pour défendre la vie, la liberté, l’indépendance et la liberté de religion, et pour préserver les droits de l’homme et la justice. » Au cours des trois années suivantes, Roosevelt, Churchill et leurs alliés ont continué à élaborer leur vision de l’ordre d’après-guerre. Cet ordre exigeait des organisations internationales pour relever les défis mondiaux et favoriser l’interdépendance.
La Société des Nations
La Première Guerre mondiale était censée être la guerre qui mettait fin à la guerre. Quatre années de conflit mondial avaient fait plus de 20 millions de morts. L’ordre ancien était mort dans les tranchées d’Europe, sur les plaines gelées de Russie et dans les déserts brûlants du Moyen-Orient. Un monde effrayant et instable rampait sur les décombres.
Si un homme avait une vision d’ensemble du nouvel ordre, c’était le président Woodrow Wilson. Il avait maintenu l’Amérique hors de la guerre jusqu’en 1917, mais en 1918, l’Amérique intervenait de manière décisive en Europe. Wilson a fourni une feuille de route audacieuse pour le monde de l’après-guerre dans ses Quatorze points. Ces points vont de la liberté des mers à la réduction des armements, mais le point qui tient le plus à cœur à Wilson est la création de la Société des Nations. Par le biais de la Société, Wilson espérait maintenir la paix mondiale, garantir l’autodétermination nationale et diffuser les idéaux occidentaux.
Lors de la Conférence de paix de Paris en 1919, les négociations autour de la Société ont connu un début difficile. Des disputes ont éclaté au sujet du butin territorial de la guerre, l’Italie s’étant même retirée à un moment donné. Le Japon a proposé une déclaration d’égalité raciale, à laquelle l’Amérique et les puissances coloniales européennes se sont opposées avec véhémence. Lorsque la plupart des nations soutiennent la déclaration, Wilson les ignore tout simplement. L’Amérique et les puissances coloniales européennes craignent continuellement d’être mises en minorité par les petits États. En conséquence, elles ont inventé un système exigeant l’unanimité, ce qui a entravé la capacité d’action de la Société.
Au fil des mois, les différends sur le Moyen-Orient, la Chine et l’Europe de l’Est ont continué à entacher la conférence. Cependant, Wilson trouva que sa plus grande lutte l’attendait à la maison. De nombreux membres républicains du Congrès étaient alarmés par l’article X de la Société, qui garantissait une assistance militaire mutuelle. Cet article et d’autres soulèvent de profondes inquiétudes quant à la perte de souveraineté américaine et au potentiel d’enchevêtrements futurs. Plutôt que de tenter de convaincre le Congrès, Wilson s’obstine à transmettre son message au peuple américain. Il se lance dans une tournée brutale à travers le pays qui ruine sa santé et renforce l’opposition du Congrès à la SDN. Dans une ironie amère pour Wilson, l’Amérique refusa de ratifier les traités de paix ou de rejoindre la SDN.
L’absence de l’Amérique affaiblit la SDN dès le départ. Alors que l’Amérique se retirait de la scène internationale, la Grande-Bretagne et la France devaient porter le fardeau des idéaux démocratiques occidentaux. Bien que la Société ait résolu certains différends, elle s’est avérée mal adaptée pour faire face aux défis posés par la Grande Dépression. Confrontés à de graves difficultés économiques, de nombreux pays ont connu une poussée de nationalisme radical.
Au milieu des années 1930, les limites de la Société étaient douloureusement apparentes. L’invasion de l’Éthiopie par l’Italie montre que la promesse de protection mutuelle est creuse. Les appels de l’Éthiopie à la SDN pour invoquer l’article X furent vains. Les objectifs de la SDN en matière de désarmement s’effondrent également lorsque Hitler ignore effrontément les termes de la Conférence mondiale du désarmement. En définitive, la SDN s’est révélée impuissante face à l’agression fasciste à l’Ouest et à l’impérialisme japonais à l’Est.
Une vision du temps de guerre
Dans les années qui ont suivi la Première Guerre mondiale, Churchill est devenu un adversaire déclaré du fascisme et du nazisme. Il met en garde à plusieurs reprises contre les dangers du réarmement allemand. De même, Roosevelt méprisait le fascisme et critiquait l’isolationnisme américain. Tous deux souhaitent créer un ordre libéral qui favorise les libertés individuelles et le développement économique. Tous deux reconnaissaient qu’un tel monde exigeait une coopération internationale.
En imaginant le monde d’après-guerre, Roosevelt et Churchill ont activement cherché à éviter les erreurs commises après la Première Guerre mondiale. Premièrement, ils ont reconnu que toutes les nations, vainqueurs et vaincus, devaient être traitées de manière égale par les Nations unies. Deuxièmement, ils savent que l’action collective nécessite l’adhésion de toutes les grandes puissances. Troisièmement, ils ont compris que les Nations unies devaient disposer de pouvoirs d’exécution significatifs pour combattre les desseins des États agresseurs.
Au fur et à mesure que la Seconde Guerre mondiale progressait, la vision des Nations unies s’est précisée. Lors de la conférence de Téhéran en 1943, Roosevelt a présenté à Staline l’idée d’une organisation internationale. Staline, dont la nation avait été ravagée par les armées nazies, voyait l’intérêt d’un organisme international capable de contenir les agresseurs et de traiter les problèmes mondiaux. Plus tard cette année-là, à Moscou, les Alliés publient la Déclaration des quatre nations sur la sécurité générale (avec la Chine comme quatrième membre). Cette déclaration fournit à la fois le cadre de la sécurité dans le monde de l’après-guerre et l’épine dorsale du futur Conseil de sécurité des Nations unies. En outre, la Conférence de Moscou a formellement reconnu la nécessité d’un successeur à la SDN.
En 1944, alors que la guerre tournait de manière décisive en faveur des Alliés, la planification de l’après-guerre a gagné encore en importance. Lors de la conférence de Dumbarton Oaks, l’Amérique, la Grande-Bretagne, l’URSS et la Chine approfondissent leurs idées pour les Nations unies. Ils s’accordent sur quatre objectifs pour la nouvelle organisation : maintenir la paix et la sécurité internationales, développer des relations amicales entre les nations, réaliser la coopération internationale et coordonner les actions nationales pour atteindre ces objectifs communs. Ces quatre principes deviendront l’article I de la Charte des Nations unies. En juin 1945, les Nations unies tiennent leur première réunion.
Notre monde moderne
Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’humanité a évolué vers plus de paix et de prospérité. Les nations se sont rapprochées grâce aux liens économiques, sociaux et diplomatiques. Des organisations intergouvernementales comme l’OTAN, l’Union européenne et les Nations unies ont créé de nouveaux forums de coopération. Les 193 États membres des Nations unies ont pris des mesures collectives pour relever les défis mondiaux, de la pauvreté des enfants au changement climatique. En dépit de la circulation, l’Assemblée générale constitue un témoignage durable de la vision clairvoyante de Roosevelt et de Churchill.
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