Discussion
Une stadification précise joue un rôle indispensable dans la prise de décision et la gestion chez les patients atteints de cancer de la vessie. Nous avons effectué une analyse rétrospective de la performance de la BP chez les patients atteints de cancer de la vessie, constatant, que la BP était souvent omise, en particulier dans les cas de petites tumeurs de bas stade.
L’étude de Gray et al. a montré qu’une stadification clinique précoce et précise diminue le taux de mortalité à 5 ans chez les patients traités par cystectomie radicale. De nombreux auteurs ont prouvé que l’imagerie diagnostique telle que le scanner, l’IRM ou l’échographie peut être efficace et précise dans la stadification clinique du cancer de la vessie. Cependant, la stadification clinique inclut également la TA qui reste basique, mais qui est un outil de stadification important. Notre étude montre que plus de la moitié des patients atteints d’un cancer primaire de la vessie ne subissent pas de TA lors de la TURBT, malgré les déclarations des directives cliniques. Kellett et al. ont remarqué pour la première fois en 1980 que le scanner pouvait être aussi bon que la TA. Il semble qu’il soit de plus en plus courant de se fier uniquement aux résultats radiographiques plutôt qu’à l’examen physique, ce qui pourrait être lié à la faible sensibilité (43-46 %) et à la spécificité modérée (75-82 %) de la TA. Cependant, Rozanski et al. ont prouvé que la réalisation d’une TA indépendante améliore la précision de la stadification, tandis que combinée à l’imagerie radiographique, elle améliore sa spécificité et ses valeurs prédictives positives et négatives. De plus, l’étude de Wijkström et al. a montré que les résultats de la TA ont une valeur pronostique significative pour la survie des patients et sont donc d’une importance cruciale pour la stadification clinique. D’autre part, notre étude correspond à d’autres données disponibles montrant le manque de concordance satisfaisante entre les résultats de la BP avec les résultats pathologiques.
Nous avons également remarqué que le pourcentage de patients qui subissent une BP diffère significativement dans certains sous-groupes. Tout d’abord, le stade du cancer de la vessie a influencé le taux de réalisation de la BP. Elle a été réalisée chez 76,6 % des patients atteints de MIBC et seulement 39,5 % des patients atteints de NMIBC. Dans une cohorte historique, Ploeg et al. ont remarqué que 52,4% de leurs patients MIBC ont subi une BP, ce qui était significativement plus bas par rapport à notre cohorte. Cette divergence peut s’expliquer en partie par le fait que notre service est un hôpital universitaire, alors que Ploeg et al. ont signalé que la TA est réalisée beaucoup plus souvent dans les hôpitaux universitaires que dans les hôpitaux non universitaires (62 contre 30 %). Grzegrzółkowski et al. ont observé une grande précision de la stadification visuelle endoscopique chez les patients atteints de MIBC, ce qui explique pourquoi les patients atteints de MIBC subissent une TA beaucoup plus souvent que ceux atteints de NMIBC. De plus, dans une analyse de régression logistique multivariée, nous avons révélé que le stade de la maladie est un facteur prédictif indépendant de la BP.
Deuxièmement, nous avons remarqué que l’expérience du chirurgien a un impact sur la fréquence de réalisation de la BP. De nombreux auteurs suggèrent que les facteurs liés au chirurgien (notamment l’expérience professionnelle) influencent le risque de récidive après une TURBT. Dans notre étude, les résidents seniors ont effectué la PB beaucoup plus fréquemment que les résidents juniors et les urologues certifiés. De Vries et coll. ont observé que les résidents seniors font preuve d’un plus grand degré d’exhaustivité dans l’exécution de l’intervention de TURBT et que l’incidence des événements involontaires est plus faible que chez les résidents juniors. Cependant, les complications chirurgicales sont plus fréquentes chez les résidents seniors que chez les résidents juniors. Enfin, lorsqu’on interprète le phénomène des taux de TA plus élevés chez les résidents seniors que chez les urologues certifiés, il faut se rappeler que la qualité globale de la TURBT peut être plus élevée lorsqu’elle est effectuée par des urologues certifiés. Nous avons également observé que les urologues masculins pratiquent beaucoup plus souvent la TA que les urologues féminines. La cause sous-jacente est difficile à identifier, cependant, le fait que les femmes urologues peuvent avoir moins d’expérience dans l’ensemble et moins d’expérience dans les procédures oncologiques chez les patients masculins pourrait être important.
Bien que l’objectif de l’étude n’était pas d’évaluer la précision de la BP, il semble important de noter que même parmi les patients atteints de NMIBC, certains avaient une tumeur palpable et une vessie immobile comme détecté par la BP. Ce fait ne prouve cependant pas, que la BP ne devrait pas être réalisée, car, comme il a été discuté précédemment, la réalisation de la BP améliore la précision de la stadification.
La principale limite de notre étude est son caractère local d’analyse qui peut montrer certaines observations spécifiques au département, d’autant plus qu’il s’agit d’un centre tertiaire et d’un hôpital universitaire. Le nombre de patients atteints de MIBC, qui sont de la plus grande importance dans le contexte de la TA, était limité. Nous n’avons pas analysé les données pathologiques disponibles des cas ayant subi une cystectomie radicale, la valeur de la TA n’a donc pas été évaluée. Cependant, de telles études ont été réalisées précédemment et leurs résultats sont disponibles dans la littérature. Il s’agit également d’une analyse rétrospective qui se base sur la documentation médicale, donc des dossiers médicaux incomplets peuvent être une source de biais.
En conclusion, seule une minorité de patients atteints de tumeurs primaires de la vessie soumis à une TURBT subissent une BP. Les tumeurs de >3 cm, MIBC, chirurgien résident senior et chirurgien masculin sont des facteurs prédictifs indépendants de BP. Bien qu’il ait été prouvé que la palpation bimanuelle est bénéfique pour une stadification précise de la tumeur chez les patients atteints de cancer de la vessie, elle est très souvent omise lors de la TURBT.