Au milieu du 18e siècle, l’artiste français Jacques-Louis David a été le pionnier d’un nouveau genre de peinture. Intitulé à juste titre Néoclassique, ce mouvement était considéré comme une renaissance de l’art idéalisé de la Grèce et de la Rome antiques. Bien qu’ils soient réalisés dans un style rappelant l’Antiquité, les tableaux néoclassiques présentent souvent des scènes et des sujets contemporains. C’est le cas dans de nombreuses œuvres de David, notamment La Mort de Marat, l’une de ses peintures les plus connues.
La Mort de Marat a été achevée en 1793, quatre ans après le début de la Révolution française. Comme une grande partie de l’art de David créé au cours de cette décennie, La Mort de Marat est une pièce à forte charge politique traitant d’un événement majeur de l’époque. Dans ce cas, il s’agit du meurtre de Jean-Paul Marat, un théoricien politique radical, ami de David, et figure clé de la Révolution française.
Contexte historique
Avant d’analyser le contenu du tableau, il est important de comprendre le contexte de sa création – à savoir, les événements qui ont conduit à la mort de Marat. Au moment de sa mort, Marat était profondément impliqué dans le drame de la Révolution française, une période d’agitation politique et sociale qui a balayé le pays de 1789 à la fin des années 1790.
» Prise de la Bastille et arrestation du gouverneur M. de Launay, 14 juillet 1789″ (Photo : Wikimedia Commons Public Domain)
Qu’est-ce qui a déclenché ce mouvement ? Frustré par le décalage entre la richesse de la famille royale et les citoyens français fortement taxés et sous-payés, le peuple s’est rebellé contre la monarchie et a exigé un changement. Les idées révolutionnaires ont également été fortement influencées par le siècle des Lumières, un mouvement intellectuel du 18e siècle qui mettait l’accent sur l’individualisme. À cette époque, les philosophes, les écrivains et autres intellectuels affluent à Paris, où ils discutent, écrivent et distribuent leurs idées sous forme de pamphlets, de livres et de journaux.
Henri Grevedon et Francois Seraphin Delpech, « Jean-Paul Marat », 1824 (Photo : Wikimedia Commons Public Domain)
Alors que la Révolution française émergeait sur les talons des Lumières, les partisans de la cause ont adopté et adapté de nombreux aspects du mouvement – y compris l’utilisation des médias pour partager leurs idées. Ancien médecin et scientifique, Jean-Paul Marat abandonne ses pratiques pour travailler comme journaliste. En 1789, il fonde un journal, L’Ami du peuple, pour condamner les adversaires de la cause – même les autres révolutionnaires.
Politiquement, les opinions de Marat s’alignent sur celles des Jacobins, l’un des partis les plus radicaux issus de la Révolution. Finalement, il deviendra le chef de ce groupe, ce qui le mettra en désaccord accru avec les Girondins, une autre faction révolutionnaire que Marat attaquait régulièrement depuis sa tribune éminente.
Comme prévu, les critiques ostensibles de Marat à l’égard de certains des individus les plus élites et des groupes les plus puissants de France en ont fait une cible majeure pour les adversaires. En 1790, il échappe de peu à l’arrestation ; à plusieurs reprises au cours de l’année 1792, il est contraint de se cacher ; et, finalement, en 1793, il est assassiné dans sa propre maison.
Assassinat de Marat
Paul-Jacques-Aimé Baudry, « Charlotte Corday », 1860 (Photo : Wikimedia Commons Public Domain)
Le 13 juillet 1793, Marat écrit alors qu’il est dans sa baignoire. Équipée d’une planche de bois, sa baignoire lui servait également de bureau de fortune, car l’inconfort d’une affection cutanée chronique le confinait souvent au bain. Alors qu’il travaille, sa femme l’informe qu’il a une visiteuse nommée Charlotte Corday. Corday prétendait détenir des informations confidentielles sur un groupe de Girondins fugitifs, suscitant l’intérêt de Marat. Contre la volonté de sa femme, il invite l’inconnue à s’asseoir près de son bain afin qu’il puisse écrire les noms des délinquants.
À la fin de la conversation, Corday – une sympathisante girondine infiltrée – sort inopinément un couteau de 5 pouces de sa robe. Elle l’a rapidement plongé dans le cœur de Marat, puis s’est cachée dans sa maison, où elle a finalement été trouvée et arrêtée. Marat a appelé sa femme, mais rien à faire, il était mort en quelques secondes.
En tant qu’ami proche de Marat et compagnon jacobin, Jacques-Louis David a été chargé de deux responsabilités : planifier les funérailles et peindre sa scène de mort.
Le tableau
Jacques-Louis David, « La mort de Marat », 1793 (Photo : Wikimedia Commons Public Domain)
David a achevé La Mort de Marat dans son style néoclassique caractéristique. L’œuvre représente Marat quelques instants après son meurtre, alors qu’il est représenté affalé sur sa baignoire trempée de sang, la plume d’oie toujours à la main.
Comme d’autres tableaux néoclassiques de David, La Mort de Marat présente une composition parfaitement équilibrée ; Marat et sa baignoire forment un plan horizontal au premier plan, qui contrebalance le fond minimaliste de la scène. Cet arrangement culmine dans une scène théâtrale qui rappelle une production scénique, car un projecteur littéral éclaire le personnage principal et une sélection d’accessoires stratégiquement placés, notamment sa liste fraîchement écrite et l’arme du crime ensanglantée, qui repose sur le sol.
Une autre caractéristique néoclassique évidente dans La Mort de Marat est l’intérêt pour l’idéalisme classique. Alors que le style et la plupart des détails de l’installation de la baignoire sont fidèles à la réalité, David a choisi de glamouriser Marat lui-même, renonçant à un rendu réaliste de sa dermatite visible pour un aperçu de sa peau sans taches. Avec la position de Marat semblable à une Pietà, cette décision stratégique dépeint Marat comme un martyr sans défaut.
Légitimité
La Mort de Marat était très populaire auprès des révolutionnaires, culminant avec l’existence de plusieurs copies peintes par les élèves de David comme propagande. Cependant, après la Révolution, le tableau est tombé en désuétude et est resté caché quelque part en France pendant plusieurs années. Au milieu du 19e siècle, il est sorti de l’obscurité et a trouvé une place permanente dans la collection du Musée royal des Beaux-Arts de Bruxelles, où il est resté depuis lors.