Les gènes homéotiques occupent une position centrale dans la hiérarchie des gènes contrôlant les premières étapes du développement embryonnaire chez la drosophile. Ils sont impliqués dans la spécification de l’identité individuelle de chaque segment du corps de l’insecte. La plupart des gènes homéotiques de la drosophile sont situés dans deux grands groupes de gènes, le complexe Antennapedia (ANT-C) et le complexe Bithorax (BX-C). Ces gènes sont exprimés dans deux domaines qui se chevauchent partiellement et dont les positions le long de l’axe antéro-postérieur de l’organisme sont colinéaires avec leur position dans chaque complexe. Cinq gènes de l’ANT-C sont impliqués dans la spécification de l’identité de certains segments de la tête et de celle des premier et deuxième segments thoraciques. Les trois gènes du BX-C déterminent les identités du compartiment postérieur des deuxième et troisième segments thoraciques et des huit segments abdominaux. Des études moléculaires ont révélé que les protéines codées par les gènes homéotiques partagent un motif de 60 acides aminés, la boîte homéo, dont la structure en hélice-tour-hélice leur permet de se lier comme facteurs de transcription à des séquences d’ADN spécifiques dans les régions régulatrices en cis de leurs gènes cibles. Le haut degré de conservation phylogénétique de l’homéobox a rendu possible l’identification et l’isolement de plus de cinquante gènes homéobox (gènes Hox) dans de nombreux organismes eucaryotes dont le nématode, le Xénope, la souris et l’homme. Dans les génomes de la souris et de l’homme, les gènes Hox sont regroupés en tandem dans quatre grands complexes génétiques situés sur des chromosomes séparés. Les positions relatives des gènes au sein des complexes et les positions des limites antérieures de leurs domaines d’expression le long de l’axe antéro-postérieur du système nerveux central et de la colonne prévertébrale de l’embryon de souris se sont révélées colinéaires. Les similitudes entre la structure, l’organisation et le schéma d’expression des gènes homéotiques de la drosophile et des gènes homéobox des vertébrés suggèrent que certains principes de base de l’organisation et du développement embryonnaires ont été préservés au cours de la longue période d’évolution qui s’est écoulée depuis la divergence des lignées phylogénétiques conduisant aux vertébrés et aux arthropodes.